mercredi 6 mai 2015

Jean-Marie Le Pen pourrait-il faire scission du Front national

Nike Tn Jean-Marie Le Pen pourrait-il faire scission du Front national ? A peine croyable, ce scénario a pourtant été esquissé par l'ancien président du parti, dont il a été suspendu lundi : «Je dois m'interroger sur les possibilités qu'a le courant national de s'exprimer à temps pour sauver notre pays, a-t-il expliqué mardi sur France 2. Est-il encore possible de le faire avec le Front national dirigé par Marine Le Pen ? Je ne sais pas.» Avant de préciser «réfléchir» à la possibilité de créer un nouveau parti. Une telle initiative, il est bien placé pour le savoir, ne serait pas sans précédent dans l'histoire du FN, marquée par plusieurs scissions.

President of the Republican National Movement (MNR) Bruno Megret leaves the correctional court of Marseille where he appeared with his wife Catherine, former mayor of Vitrolles, for speculation of state revenues September 18, 2006. REUTERS/Jean-Paul Pelissier (FRANCE)Polytechnicien, haut fonctionnaire, ancien membre du RPR : lorsqu'il arrive au Front national dans les années 80, Bruno Mégret semble incarner le nouveau statut du parti, passé en quelques années de l'état groupusculaire à celui de force parlementaire. Intelligent et méticuleux, l'homme parvient rapidement à jouer les premiers rôles au FN. Il est un pur produit de la Nouvelle Droite, courant qui souhaite rénover la pensée de son camp à partir d'un logiciel anti-égalitaire sur lequel pourraient converger droite et extrême droite. Fidèle à cette idée, Mégret s'efforce –déjà– de polir la langue frontiste et d'en accélérer la montée en gamme. C'est sans compter un Le Pen jaloux de son leadership, et dont les «dérapages» continuent d'isoler le Front national.

Tn Pas Cher Tout oppose les deux hommes, du parcours au physique en passant par les ambitions. Leur hostilité ne fera que grandir, jusqu'à la bien connue scission de 1998-1999, qui voit Mégret entraîner à sa suite une bonne partie de l'appareil frontiste. Deux défaites auront raison de la tentative : la première, sur le plan judiciaire, permet à Le Pen de rester maître de la «marque» Front national; la seconde, sur le plan électoral, voit le FN devancer le MNR mégrétiste d'une courte tête aux élections européennes de 1999. Dépourvu de moyens et du «charisme» de Le Pen, le jeune mouvement doit, faute de troupes, composer avec des groupuscules issus de l'extrême droite la plus radicale. Il sombrera dans l'insignifiance après la présidentielle de 2002, Mégret quittant la vie politique en 2008. Mais plusieurs de ses anciens sympathisants, tels que Steeve Briois ou Nicolas Bay, jouent aujourd'hui les premiers rôles au Front national.

JACQUES BOMPARD, L'ENRACINÉ
Jacques Bompard, maire d'Orange, pose le 6 décembre 2013 dans son bureau à l'hôtel de villeRéélu sans discontinuer depuis 1995 dans sa ville d'Orange (Vaucluse), Jacques Bompard fut en son temps le seul frontiste à mériter le titre de «baron local». Ce membre historique du FN supporte mal, cependant, l'attitude de Jean-Marie Le Pen vis-à-vis des élus locaux – entre dédain et caporalisme. Au lendemain de la présidentielle de 2002, ce représentant de la tendance catholique-libérale rue dans les brancards. Son camp s'était senti pousser des ailes après le départ de Bruno Mégret : ayant fidèlement soutenu Le Pen, il se persuadait que son tour était venu de jouer les premiers rôles. Las, c'est finalement un autre scénario qui se dessine : autour de Marine Le Pen, et avec le soutien de Jean-Marie, de jeunes loups veulent engager une rénovation du parti qui laisse peu de place aux cadres les plus conservateurs.

«L'heure des Duce est terminée, celle des grands timoniers aussi, lance Bompard en 2004 à l'encontre du vieux chef. Le Führer, le Danube de la pensée, le Caudillo, le Conducator, tout cela c'est fini.» Les saillies répétées du maire d'Orange lui valent d'être exclu du bureau politique du FN en 2005; il quitte le parti dans la foulée. En 2010, il fonde la Ligue du Sud, parti de poche à vocation locale, aux accents libéraux et identitaires. Le mouvement vise avant tout à perpétuer l'emprise des époux Bompard sur leurs communes respectives – l'épouse de Jacques, Marie-Claude, étant maire de Bollène. Avec un certain succès, jusqu'à aujourd'hui. Parachutée en 2012 dans le Vaucluse, la frontiste Marion Maréchal-Le Pen est aussitôt élue députée. Elle menace désormais sérieusement les positions bompardiennes. 

CARL LANG, LE PATIENT
Le numéro trois du Front National (FN) Carl Lang (D) et l'un de ses vice-présidents Jean-Claude Martinez (G), arrivent le 27 juin 2005 à l'hôtel Matingnon à Paris pour une rencontre avec le Premier ministre Dominique de Villepin, dans le cadre d'une journée de consultation des formations politiques françaises sur les perspectives européennes après le référendum du 29 mai dernier.  AFP PHOTO MEHDI FEDOUACHMembre du FN depuis la fin des années 70, secrétaire général du FN à deux reprises, Carl Lang s'est longtemps présenté comme un «bébé Le Pen». Il est aujourd'hui un féroce contempteur du FN mariniste. Les élections européennes de 2009 ont fait office de détonateur : Lang se voit alors disputer la tête de liste de la circonscription Nord-Ouest par une Marine Le Pen en quête d'enracinement local. Insupportable pour un cadre qui ne se sent, par ailleurs, aucune affinité avec la ligne de la jeune femme et que déçoit le manque de combativité de Bruno Gollnisch, adversaire pressenti de celle-ci. 

Nike Shox Après avoir annoncé qu'il mènerait une liste dissidente contre Marine Le Pen, Lang se voit suspendu par le bureau exécutif du parti – comme Jean-Marie Le Pen aujourd'hui. En février 2009, il quitte le FN et crée le Parti de la France (PdF), proche par son positionnement «traditionnel» du FN des origines. Depuis, le mouvement vivote, enregistrant à l'occasion les ralliements d'anciens frontistes opposés à la ligne mariniste. Revendiquant quelques milliers d'adhérents, il a présenté une poignée de candidats aux dernières élections départementales, mais réserve ses faibles moyens en prévision des prochaines législatives. Si la crise actuelle au FN peut faire figure de revanche pour Lang, elle pourrait surtout lui permettre de rallier de nouveaux militants opposés à la nouvelle ligne frontiste. A moins que Jean-Marie Le Pen ne les garde sous son aile en lançant son propre mouvement.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire